8. Dématérialisation
Plus qu'un simple passage du papier à l’écran, la dématérialisation impose une redéfinition des pratiques, une adaptation des outils, mais aussi un accompagnement de tous les acteurs – élus, agents, citoyens.
À la fin des années 1990, l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication ouvre de nouvelles perspectives pour les services publics. Les collectivités territoriales doivent s’adapter à ce nouveau cadre réglementaire et technique, pour en exploiter les bénéfices : gain de temps, efficacité accrue, sécurisation des processus.
LandesPublic : le portail pionnier
La première réalisation de l’Alpi en matière de dématérialisation est la création d’un extranet départemental, LandesPublic, en 2004. Développé avec le Centre de gestion des Landes (CDG40) et l’Agence départementale d’aide aux collectivités locales (ADACL), ce portail numérique met à disposition des élus des outils innovants : messagerie électronique, agenda partagé, fil d’actualités locales. Pour la première fois, chaque élu landais dispose d’une adresse électronique personnelle. Une avancée majeure, qui marque le début d’une nouvelle ère pour la gestion locale.
Des outils en phase avec l’évolution réglementaire
Entre 2000 et 2020, l’État engage plusieurs plans pour moderniser l’administration, du programme ADELE (ADministration ELEctronique) à Action Publique 2022. À chaque étape, l’Alpi accompagne ses adhérents pour intégrer les nouveaux outils : plateforme des marchés publics, procédures de contrôle de légalité avec @ctes, dématérialisation de la chaîne comptable et financière avec Hélios.
L’agence obtient très tôt les homologations nécessaires : opérateur de télétransmission pour @ctes et Hélios et dès 2007, autorité d’enregistrement déléguée pour la délivrance de certificats de signature électronique. Ces dispositifs garantissent l’intégrité, la traçabilité et la sécurité des échanges.
Un déploiement concerté et structuré
La dématérialisation ne s’est pas imposée de manière descendante. Dès le départ, l’Alpi mobilise les collectivités landaises à travers des groupes de travail. Ces dynamiques collectives permettent un déploiement progressif, adapté aux réalités du terrain. L’agence forme ses propres agents et accompagne l’ensemble des utilisateurs dans la prise en main des nouveaux outils.
La chaîne comptable : un levier de transformation
L’une des évolutions les plus structurantes concerne la dématérialisation des finances publiques. Grâce au protocole Hélios, et plus tard à Chorus Pro, les collectivités transmettent leurs documents comptables de façon entièrement numérique. Les élus valident les mandats à distance grâce à leur certificat de signature électronique. L’ensemble des données financières est désormais accessible en open data, renforçant ainsi la transparence budgétaire.
L’Alpi a signé une convention avec la Direction générale des finances publiques, lui permettant d’être homologuée pour assurer les échanges comptables sécurisés entre les collectivités et l’État. Cette homologation s’est accompagnée de la mise en oeuvre de protocoles stricts en matière de traçabilité et de sécurité des procédures, intégrant notamment des circuits de validation électronique et l’usage de certificats de signature. Ces dispositifs ont joué un rôle déterminant dans le renforcement de la confiance, tant pour les agents que pour les élus et les citoyens.
Une vigilance accrue sur la protection des données
La dématérialisation croissante s’accompagne d’un traitement massif de données, y compris personnelles. Consciente des enjeux, l’Alpi propose très tôt un service mutualisé de correspondant informatique et libertés. Depuis 2018, l’Alpi accompagne ses adhérents dans leur mise en conformité avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), véritable garde-fou indispensable au développement d’une administration numérique éthique et responsable.
Ne laisser personne de côté
L’administration électronique ne peut pleinement remplir ses promesses sans un accompagnement fort de l’ensemble des acteurs : élus, agents, mais aussi citoyens. L’Alpi a d’ailleurs constitué un service dédié à cet accompagnement. Une attention particulière doit être portée au risque d’exclusion d’une partie de la population face à ces nouveaux modes de relation avec l’administration. Car l’enjeu majeur de la dématérialisation est bien là : rendre le service public plus accessible, plus efficace et plus fiable, sans jamais exclure les usagers ni compromettre la sécurité et le respect des données personnelles.
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[Témoignage]
Yves Serveto, Directeur général des services de Tartas, intervenant et formateur auprès du CNFPT et du CDG des Landes
La gestion administrative et financière des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) repose sur une organisation rigoureuse.
Qu’il s’agisse des agents publics, des cadres ou des élus, nous constatons au quotidien à quel point la dématérialisation, initialement mise en oeuvre pour répondre à divers enjeux, est aujourd’hui devenue indispensable.
Elle répond à des impératifs forts de bonne gouvernance : gain d’efficacité, sécurisation des procédures, meilleure transparence ou enjeux environnementaux. Elle répond également aux attentes des usagers, des élus et des organisations publiques.
Cadre territorial, j’ai eu l’opportunité de constater, au fil de mes expériences dans différentes communes ainsi que lors de formations auprès d’agents publics, l’importance croissante accordée aux procédures de dématérialisation. Dans les Landes, l’Alpi joue un rôle clé. Elle a su mesurer les enjeux, conseiller les collectivités et les accompagner dans la durée.
Plusieurs exemples illustrent concrètement cet accompagnement.
Transmission des délibérations et contrôle de légalité
L’un des premiers enjeux fut de garantir la transmission fiable des actes administratifs aux services de l’État. La plateforme ACTES (Aide au Contrôle de légalité dématérialisé) permet de sécuriser ces procédures, en renforçant la reconnaissance des délibérations comme actes officiels et en assurant leur archivage. Usagers comme agents publics en perçoivent l’utilité directe dans l’application des décisions des élus. Aux délibérations, on peut ajouter les décisions, arrêtés, conventions.
Évolution des nomenclatures comptables
Le passage progressif des collectivités de la M12 à la M14, puis à la généralisation de la M57, a mis en évidence l’apport essentiel de la dématérialisation dans la gestion budgétaire. Elle favorise la transparence, respecte les principes budgétaires (sincérité, annualité, spécialité) et facilite le suivi, le contrôle et l’alerte sur les éventuelles dérives financières. La dématérialisation est aussi un outil d’aide au suivi de la gestion, d’appropriation des techniques comptables, d’aide à l’analyse ; acteurs des services publics et contrôle de légalité en trouvent l’utilité.
Coffre-fort numérique
Dernière avancée notable, la suppression des bulletins de paie papier au profit d’un coffre-fort numérique pour les agents constitue un gain à la fois environnemental, logistique et sécuritaire.
La dématérialisation est un outil de simplification, de modernisation et de sécurisation des procédures administratives. Elle introduit des pratiques plus respectueuses de l’environnement, tout en s’adaptant aux évolutions réglementaires et technologiques.
L’Alpi a tenu et tient, auprès des collectivités, des établissements publics et des acteurs locaux, un rôle essentiel par les compétences proposées, les métiers, les logiciels, ainsi que par sa veille et son accompagnement.
À l’heure où la mutualisation des services devient une nécessité pour optimiser le fonctionnement des collectivités et des EPCI, je peux affirmer que la dématérialisation s’impose comme une composante incontournable des missions du service public.
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[Témoignage]
Yoan Thoury, Directeur des affaires juridiques de la communauté d'agglomération du Grand Dax
Depuis mes débuts professionnels il y a un peu plus de 22 ans, le droit des marchés publics a connu de nombreuses évolutions. Il y a tout de même eu la publication de quatre nouveaux codes des marchés publics au cours de cette période ! L’un des changements les plus marquants reste l’introduction progressive de la dématérialisation, qui a profondément modifié les pratiques des acheteurs et des entreprises.
Je me souviens très bien de cette époque, pas si lointaine, où nous recevions des dizaines de plis papier, parfois volumineux, envoyés par courrier recommandé ou déposés en main propre à la dernière minute. Jusqu’à quelques dizaines de représentants d’entreprises venaient dans nos locaux le jour de la date limite. Nous devions tout enregistrer, horodater, vérifier l’intégrité des enveloppes…
L’ouverture des plis était une étape solennelle, encadrée par des règles strictes. Tout se faisait manuellement, à la hâte, armés d’un coupe-papier. Les dossiers devaient parfois être photocopiés ou scannés pour les transmettre aux personnes en charge de l’analyse des offres.
Progressivement, la dématérialisation s’est imposée comme une nécessité. L’Alpi a lancé une initiative visant à proposer une solution clé en main aux collectivités landaises, afin de répondre à ce qui allait devenir une obligation. Si la dématérialisation n’était pas une notion nouvelle, elle constituait en revanche un défi technique, juridique et pratique.
Un groupe de travail a été constitué pour définir le projet et établir le cahier des charges. Alors responsable d’un service des marchés publics, j’y ai participé activement. Après plusieurs réunions, la rédaction de documents et de nombreux tests techniques, une plateforme départementale a vu le jour.
Aujourd’hui, tout se fait en ligne via ce « profil acheteur ». Les entreprises déposent leurs offres de manière dématérialisée. L’accusé de réception est automatique, l’horodatage sécurisé, et l’ouverture des plis garantie par des dispositifs numériques.
Finis les classeurs, les liasses, les photocopies. Nous avons gagné un temps considérable.
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[Témoignage]
Aurore Blaquart, responsable du pôle gestion publique à la Direction départementale des finances publiques (DDFiP) des Landes
La dématérialisation des comptes, des relations avec le comptable public, des factures et des marchés a profondément transformé la fonction financière dans les collectivités territoriales.
Depuis le début des années 2000, de nombreux chantiers ont été menés en partenariat entre l’Alpi et la Direction départementale des finances publiques (DDFiP) des Landes.
Parmi les plus marquants, on peut citer :
- le déploiement du protocole d’échanges standard (PES V2), pour la transmission dématérialisée des pièces justificatives ;
- la généralisation de la « full dématérialisation » des mandats et justificatifs ;
- l’expérimentation puis la diffusion d’outils comme Chorus Pro, la signature électronique ou la dématérialisation des avis des sommes à payer.
Les objectifs étaient les suivants : moderniser et sécuriser la gestion financière locale, réduire
les délais de traitement, fiabiliser les comptes, renforcer la transparence et améliorer la relation avec les usagers. Ces évolutions participent d’un service public plus efficace, moins chronophage, plus écoresponsable – et surtout plus proche du citoyen.
Et les perspectives de la dématérialisation ne manquent pas. Le déploiement de l’ENSU (Espace numérique et sécurisé des usagers) permettra prochainement la mise en ligne des créances recouvrées par la Direction générale des finances publiques. Là encore, la DDFiP des Landes, via le correspondant dématérialisation monétique du service des collectivités locales, agit en lien étroit avec l’Alpi, véritable relais auprès des collectivités.
L’intelligence artificielle et le datamining viendront sans doute, demain, transformer encore la fonction financière. Le partenariat entre la DDFiP et l’Alpi aura, plus que jamais, un rôle à jouer.